Saint Isaac le Syrien
(640-700)
La vie de Saint Isaac Le Syrien
est peu connue :
il naquit vers le milieu du VIIème siècle, dans une région correspondant à l'actuel Qatar, dans le Golfe persique.
Il est nommé évêque de Ninive puis
il résilie sa charge pour devenir
moine, vivre le combat spirituel
et se consacrer à
l'étude des Ecritures saintes ;
il est considéré comme
saint Père de l’église orthodoxe.
Ses écrits ont profondément
marqué la Tradition
ascétique en Orient.
Quelques-unes de ces œuvres
nous sont parvenues :
des discours acétiques,
des lettres et les sentences.
Ces dernières sont
d’inspiration poétique
imprégnées de l’Amour de Dieu,
d’espérance en sa miséricorde.
Sa pensée ne systématise rien
mais contemple tout à travers
son expérience de l’amour divin.
En rédigeant ses écrits, Isaac traite
du "labeur de la prière",
cette "conversation avec Dieu",
qui se célèbre dans le cœur
mais progresse par la psalmodie
ou la méditation.
Il explique et propage ce qui est
aujourd'hui appelé
la pratique de "la prière intérieure",
véritable "labeur",
"don venant de Dieu".
Quelques sentences...
I. Accoutume ton esprit
à s’absorber toujours
dans les mystères du salut
par le Christ,
mais ne demande point
pour toi-même la connaissance et
la contemplation, qui, en leur temps
et en leur lieu, dépassent l’expression
de toute parole humaine.
Ne te relâche
pas dans l’accomplissement
des commandements et des efforts
pour atteindre la pureté,
et demande à Dieu,
dans chacune de tes prières,
aussi ardentes que la flamme,
le don de cette affliction sainte
qu’Il mit au cœur des Apôtres,
des Martyrs et des Pères de l’Eglise.
XXII. Il n’est point de péché
non pardonné,
hormis le péché
non repenti.
XXXV. Quand l’homme reconnait-il
que son cœur a atteint la pureté ?
Lorsqu’il considère
tous les hommes comme bons,
sans qu’aucun ne lui apparaisse
impur et souillé ;
alors, en vérité,
il est pur de cœur.
XXXVII. (…) Les passions constituent
les diverses parties de la tendance
prédominante dans le monde,
et lorsqu’elles cessent,
cette tendance aussi
connaît son point d’arrêt.
Voici quelles sont ces passions :
l’attachement aux richesses,
le désir d’amasser,
la jouissance du corps,
qui engendre l’intempérance
de la chair ;
l’aspiration aux honneurs,
d’où découle l’envie ;
celle qui vise à commander ;
l’arrogance due à l’éclat du pouvoir ;
le goût de se parer et de plaire ;
la recherche de la gloire humaine,
cause de rancunes,
la crainte corporelle… (…)
Quand tu auras connu
ce qu’est le monde,
toutes ces distinctions
te permettront de déterminer
en quoi tu y demeures attaché,
et dans quelle mesure
tu t’en es libéré.
XLI. Les larmes dans la prière
constituent un signe
révélant que la prière
est acceptée et guidée
dans le champ de la pureté.
XLVI. La prière nous amène
à rechercher les raisons
d’aimer Dieu.
L. Celui qui s’est empli
du sentiment de ses péchés
est supérieur à celui
dont la prière ressuscite les morts.
Mieux vaut passer une heure
à soupirer sur l’état de son âme
que d’apporter au monde entier
l’aide de son regard.
Parvenir à se voir soi-même,
voilà qui est plus désirable
que de voir les anges.
LI. Le silence est
le mystère du siècle futur.
LII. Prier avec zèle,
c’est mourir au monde.
LXII. Quand tu adoptes devant Dieu
l’attitude de la prière,
assimile-toi en pensée
à la fourmi, à la bête qui rampe
sur la terre, à la sangsue
ou au nourrisson vagissant.
N’emprunte rien alors
au langage de la science,
mais rapproche-toi de Dieu,
présente-toi à ses yeux
avec la pensée d’un jeune enfant
afin de recevoir la grâce
de cette paternelle sollicitude
que déploient les pères
envers leurs nouveau-nés.
LXIII. Demande à Dieu
de te donner la mesure de foi
qui peut emplir ton âme.
Et si tu en ressens les délices,
il m’est aisé de dire
que rien alors ne
te détournera du Christ.
LXXII. Un de nos Pères, dit-on,
ne faisait consister sa prière
pendant quarante jours
qu’en une seule phrase :
« J’ai péché en tant qu’homme,
pardonne-moi en tant que Dieu. »
Les autres Pères l’entendaient
répéter ces mots sans cesse,
avec une contrition
mêlée de larmes, unique prière
qui, nuit et jour, remplaçait
pour lui tous les offices.
LXXV. Quiconque trouve
ses péchés insignifiants
en commet de pires :
il subira un septuple châtiment.
LXXVIII. Aime les pêcheurs,
en haïssant leurs œuvres.
LXXIX. N’irrite personne,
ne hais personne,
pas plus pour la foi que
pour les mauvaises œuvres.
Si tu veux amener ton prochain
à la vérité, afflige-toi
à son sujet et en versant
quelques larmes,
dis-lui une ou deux
paroles affectueuses,
évite que la colère
ne t’enflamme contre lui,
que jamais il ne voit en toi
un signe d’hostilité.
Car l’amour vrai ne sait
ni s’irriter, ni aigrir,
ni montrer de la passion
dans ses reproches.
LXXXI. La mère qui apprend
à marcher à son fils
s’éloigne de lui,
l’invite à venir vers elle ;
mais lorsque, dans cette tentative,
il chancelle et tombe,
vu la faiblesse de son jeune âge,
alors elle accourt et
le prend dans ses bras.
Ainsi la grâce divine
porte et instruit les hommes
dont le cœur simple et pur
s’est livré aux mains
de leur Créateur.
LXXXIX. Scrute toujours tes pensées,
et prie pour acquérir
dans la vie le regard
qui voit la vérité.
Alors s’ouvriront pour toi
les fontaines de la joie,
et tu découvriras des affections
plus douces que le miel.
XCIV. Les pensées, pour employer
une image, sont comparables
à l’eau : tant qu’on les contient
de toutes parts, elles conservent
un ordre régulier, mais si on les laisse
franchir tant soit peu la digue,
elles dévastent l’enceinte
et occasionnent de grands ravages.
C. Quiconque a découvert
l’amour vrai goûte le Christ
chaque jour et à toute heure,
et devient immortel.
CIII. Considère la prière
comme la clef de l’Ecriture sainte.
CX. Il est une humilité
due à la crainte de Dieu
et une autre à l’amour envers Lui ;
la première fait redouter le Seigneur,
la seconde a la joie
pour principe.
La première se montre
toujours modeste
en toutes choses,
tempérée dans la vie sensible,
contrite dans le cœur ;
la seconde apparaît
intensément simple ;
le cœur alors s’élève
sans que rien ne puisse
le restreindre.
CXVI. Si tu n’obtiens point
la solitude dans ta pensée,
isole-toi dans ton corps.
Si tu ne peux soutenir l’effort corporel,
que ce soit dans ton esprit
qu’il prenne quelque peine.
S’il ne t’est point donné
de veiller debout,
veille assis ou couché.
Si tu es incapable de jeûner
pendant deux jours,
fais-le jusqu’au soir ;
si cela même t’est trop dur,
garde-toi pour le moins
de la satiété excessive.
Si ton cœur n’atteint point
la sainteté, que ton corps demeure pur.
Si tu ne pleures pas dans ton cœur,
couvre de larmes ton visage.
Si tu ne sais pratiquer la miséricorde,
confesse que tu es pêcheur.
Si tu ignores l’art de pacifier,
abstiens-toi d’attiser les discordes.
Si le zèle te fait défaut,
évite, ne fût-ce que dans tes pensées,
de te représenter comme un oisif.
CXVII. Ne nourris point
de haine pour le pêcheur,
car tous nous sommes coupables ;
si, pour l’amour de Dieu,
tu le blâmes, pleure sur lui.
Pourquoi le hais-tu ?
Ce sont ses péchés
qu’il convient de haïr,
tout en priant à son intention
si tu veux ressembler au Christ,
qui, loin de s’indigner
contre les pécheurs
priait pour eux…
Quelle est donc, ô homme,
la raison qui te fait
haïr le pécheur ?
Est-ce parce qu’il est
exempt de ta vertu ?
Mais où donc est la vertu
si tu manques de charité ?